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Conçu pour durer : On est venus avec un disque que beaucoup pensent être ton premier  : Ed Math «  Behind the Bars  ». Peux-tu nous éclairer sur les rumeurs qui circulent là-dessus  ?

Pete Rock : Hmmmm, je ne me rappelle pas vraiment de ce morceau. Je ne pense pas réellement que ce soit moi là-dessus (rires). Je peux le voir s’il te plaît  ? Je ne suis pas sûr mais a priori, ça ne me dit rien. Peut-être que la personne qui fait les scratches est juste quelqu’un avec le même nom que le mien  ?
De quelle année ça date  ? 1985  ? Je suis désolé, mais je ne pense pas être impliqué dans ce truc (rires). Mais j’ai déjà vu ce disque. Je ne confirme rien, désolé  !

 

Conçu pour durer : «  80 Blocks from Tiffany’s  » est-il ta première mixtape?

Pete Rock : Oui, ça l’est. Tu sais, le terme actuel pour désigner un album est «  mixtape  ». Donc, au final, tu peux quand même appeler ça un album. J’ai d’abord fait des trucs avec Smiff & Wessun, puis Camp Lo maintenant.
Ce qui est plutôt intéressant, c’est que j’étais l’un de leur fans pendant les 90’s, mais nous ne nous sommes jamais croisés à cette période.
Le jour où c’est arrivé, nous avons décidé de faire quelque chose ensemble, et voilà le
résultat.

 

Conçu pour durer : Le titre «  80 Blocks from Tiffany’s  » est-il lié au fait que tu sois né dans le Bronx  ?

Pete Rock : Oui, définitivement. Je suis né et j’ai GRANDI dans le Bronx. Nous n’avons emménagé à Mount Vernon qu’en 1978.
Je me rappelle, quand j’étais gamin, je jouais dans le parc et voyais les premières block-parties.
Je ne savais pas encore ce que ces mecs étaient en train de faire. Visiblement, pas grand-chose, ils étaient juste en train de créer le hip-hop  ! (éclat de rire général)
J’étais trop jeune pour comprendre, mais dès que j’ai commencé à m’intéresser à la musique, je me suis adressé à eux.

 

 

Conçu pour durer : As-tu toujours le temps d’aller digger  ?

Pete Rock : Oui, bien sûr (rires)  ! N’importe quel jour, si j’en ai l’occasion. Quand je suis à l’étranger, j’me dis  : «  Où est le magasin de disques le plus proche  ?  ». Je dois explorer et digger à fond.
C’est ce qui vraiment mortel avec le fait d’être en tournée. Tu ramènes à la maison plein de disques obscurs de tous les pays. Mec, j’ai trouvé des breaks de batterie dans des trucs vraiment chelous (rires)  !

 

Conçu pour durer : Tu trouves toujours des disques à New York, depuis la fermeture de TSL, de Big City etc  ?

Pete Rock : Oui, mais c’est vraiment triste. Le monde digital a pris l’ascendant. Mais c’est ce qui fait que nous, en tant que diggers, nous sommes encore plus relevants.
Je dois être l’un des derniers types à fonctionner comme ça, et c’est juste dope.
J’achète en ligne parfois, quand j’y vois un truc que je veux vraiment et que je n’arrive pas à trouver sur le terrain.
Le seul truc, c’est que je n’utilise pas e-bay, je hais enchérir, je veux juste ACHETER (fou rire général) !

 

Conçu pour durer : Tu as travaillé sur des projets parallèles comme les compilations ‘Funk Spectrum’ avec Keb Darge pour BBE, ou les mixes Blue Note au Japon, projettes-tu de renouveler ce genre d’expériences  ?

Pete Rock : Oui, si j’en ai l’opportunité, je le ferai. Keb et moi nous entendons très bien. Je suis toujours passionné par le fait de trouver de la nouvelle musique inconnue, et partager mes trouvailles avec le reste du monde. Il y aura toujours un truc que les gens n’ont jamais entendu. Par exemple, j’aime tous ces disques obscurs de rock et de prog.
Tu sais, Dilla en connaissait un rayon sur ces trucs. Et quand il m’invitait chez lui, je venais tout le temps avec un sac plein de disques. Je lui montrais plein de choses qu’il n’avait jamais vues  ! Une fois, je lui ai sorti le 45 tours de Billy Gardner: ‘I’ve got some’. Il ne le connaissait pas alors qu’il était de Détroit  ! Ça l’a rendu fou (rires)  !
Mais, en contrepartie, il était à fond dans les trucs prog européen des mid 70’s. Il me sortait plein de trucs vraiment bouillants . Il a aussi été l’un des premiers producteurs à dealer avec les trucs des 80’s. Il me montrait les pochettes, je lui disais «  yo, t’es sûr  ?  » il jouait le morceau, et là, boom  ! Il m’avait mis cher à son tour. J’étais resté bloqué sur la fin des 60’s, le début des 70’s  : le jazz, la soul, les 45’s avec des breaks… jusqu’à ce que je le rencontre  ! 1984  ? 1985  ? Il trouvait des trucs n’ importe où.

 

Conçu pour durer : En tant que collectionneur, tu connais la cote de certains disques. Mais en tant qu’artiste, certains de tes maxis sont également recherchés, quelle est ton opinion sur les sorties vinyle limitées actuelles  ?

Pete Rock : Je sais que Lord Finesse fait des trucs comme ça au Japon. Je fais des plans pour en faire aussi. Mais en même temps, les japonais ont ressorti tous mes disques en bootlegs sans avoir les droits  ! Mais bon, on va le faire pour «  80 Blocks from Tiffany’s  ».

 

Conçu pour durer : Est-ce important pour toi de travailler avec de nouveaux artistes  ?

Pete Rock : Absolument, c’est ce qui me fait rester à la page, tu sais. J’aime toujours travailler avec les vieux gars, mais les gens maintenant veulent les petits nouveaux.

 

Conçu pour durer : Y a-t-il de nouveaux artistes que tu apprécies au-delà du fait qu’ils soient juste hot en ce moment  ?

Pete Rock : J’aime bien Ab-Soul, Kendrick Lamar bien sûr, Uncle Murdah est dope  ! J’aime aussi vraiment bien Fabulous.

 

Conçu pour durer : Y a-t-il des gens de ta génération avec lesquels tu n’as pas encore travaillé, que tu aimerais produire  ?

Pete Rock : J’ai plus ou moins travaillé avec tous les mecs dont j’étais fan  : Rakim, Wu-Tang… Il y a encore quelques gars avec qui j’aimerais bien bosser  : LL Cool J par exemple. J’ai ponctuellement fait un truc avec pour Jay & Kanye  : «  The Joy  ». Mais tu sais, il n’en reste pas beaucoup de mon époque, alors j’ai enclenché sur la nouvelle génération.
Je devrais sortir un truc avec Smoke DZA. Ab-Soul, Joey Bada$$, j’espère Kendrick Lamar. Tu sais, il a retenu trois de mes instrus, j’espère vraiment qu’il va en faire quelque chose.

 

Conçu pour durer : Dans la mesure ou les techniques de production ont évolué, est-ce que tu utilises encore tes vieilles méthodes, ou est-ce que tu t’es mis aux logiciels sur ordinateurs  ?

Pete Rock : Ca m’est égal. Je crée avec tout ce dont je sais me servir (rires), mais j’suis plutôt à l’ancienne. Si un truc me met la puce à oreille, ça n’a pas d’importance quelle machine tu utilises, c’est la manière dont tu la fais fonctionner. Mais j’aime toujours trouver des bons disques et m’en servir pour faire des sons. Les claviers numériques  ? Hmmm, je ne sais pas trop. J’utilise encore les mêmes éléments  : de la soul, du jazz, des illustrations sonores. Tu peux avoir les derniers trucs, mais ça ne remplace pas une bonne oreille.

 

Conçu pour durer : Tu apparais beaucoup en tant que Dj ces derniers temps.

Pete Rock : Oui, parfois je ramène mêmes mes vinyls dans des soirées à New York. Tu sais quand je suis en tournée, le Serato c’est pratique et tout, mais je suis quelqu’un qui aime l’analogue. Rien ne peut remplacer le crépitement du vinyl. Et quand j’importe de la musique dans mon Serato, c’est depuis mes propres disques. Mais, oui, j’aime vraiment être booké en dj set. J’adore faire découvrir des trucs aux gens en les faisant danser.

 

Conçu pour durer : Depuis l’époque de «  In Control  » et de «  Future Flavas  » avec Marley Marl, est-ce que tu as prévu de refaire de la radio  ? Comme en ligne avec le format à la Dj Scratch  ?

Pete Rock : Je n’ai pas encore fait l’émission de Scratch. Parfois je vais chez Statik Selektah, Shade 45, le show de Tony Touch, ce genre de choses. J’espère qu’un jour j’aurai mon propre show. «  In control  » c’était vraiment mortel. C’était la bonne époque  ! Future Flavas était bien chanmé aussi… Je vais te dire  : les shows radio, digger des bons disques, et toujours être en mesure de faire des sons dopes  : ce sont les vraies choses qui me font avancer. Et ce n’est pas prêt de changer. J’y mets tout mon cœur et je le fais passionnément. La bonne musique est définitivement ce qui me rend vivant.

 

Interview réalisée le 26 Juin 2013 au Connexion Live (Toulouse).
Remerciements : Trinidad (Merci),Laura, Aloha.