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Conçu pour durer : On a apporté quelques disques. Ce n’est pas vraiment un blind test au sens strict du terme, on voulait juste parler de quelques uns de vos souvenirs, de certaines de vos influences. Alors on a pris des morceaux à vous, des morceaux d’autres artistes…si vous voulez bien qu’on discute un peu de…

Sean Price (nous coupe, plutôt enthousiaste à notre grande surprise) : Oh vous avez pris le truc portable de chez Numark ? Allez voir cette merde sur youtube: 45 king a deux de ces trucs et il joue avec en soirée, il met plein de 45 tours, il les scratche et tout, c’est plutôt cool à voir.

Conçu pour durer : Ok, merci. On a des morceaux pour P, on a des morceaux pour vous deux de Détroit. Qui souhaite commencer ?

Sean Price : Allons-y, on a deux minutes, on va prendre le temps de se poser, c’est pas comme si on était dans le rush !

 

 

E.Z.B. & DJ LOS : ‘Maximum Overdrive’ (World One records 1989)

Guillty Simpson : Oh Dj Los, c’est un bon collègue. Ils étaient sur World One Records non ? C’est la même équipe qui a sorti Kaos & Mystro. Leur morceau ‘Mystro on the flex’ était une des premières vraies représentations de Detroit. Finalement, c’était la première génération de gars qui a volontairement fait le choix de ne pas êtres signé et de faire leur truc localement, en indépendant.

Je croise encore Dj Los de temps en temps, on cause un peu, il était plutôt frais aux platines. Regarde-moi ça, (rires), c’est n’importe quoi (Guilty Simpson bloque sur la pochette du maxi ou une fille en maillot de bain prend une pose sexy avec une guitare). J’aime ce genre de truc, c’est du bon. C’est vraiment le type de visuels qui soulignent bien à quel point ils voulaient montrer qu’on rigolait pas à Detroit. Il faut bien se rappeler que tout gravitait autour de New York à cette époque, tu étais presque obligé de passer par là si tu voulais sortir un disque. Ce genre d’initiative nous a malgré tout montré quel chemin suivre pour faire nos trucs. C’est un bon symbole de cette période en quelque sorte.

 

 

RJ’s Latest Arrival : ‘Moving’ on up’ (LARC 1983)

Black Milk (au bout de 5 secondes) : Oh, c’est le daron de mon pote Young RJ (de BR Gunna NDLR) que tu as là. C’était lui qui était derrière le label T Barak. Slum Village a sorti des trucs là-dessus. Mon pote Phat Kat a sorti des trucs là-dessus…moi aussi d’ailleurs je leur ai passé quelques titres à l’époque.

Mais tu aurais dû prendre ‘Shackles’ mec, c’était son plus gros morceau, un vrai hymne à Detroit.

(Black Milk et un Guilty Simpson souriant fredonnent alors le refrain de ‘Shackles on my feet’)

 

 

Black Milk feat RJ & the Dramatics : All I need (Barak 2004)

Conçu pour Durer : c’est ton premier disque non?

Black Milk : J’en suis pas sur. Probablement oui…Quelle année y’a-t-il écrit sur le macaron ?2002, 2003 ? Je ne me souviens plus de l’année, mais c’est définitivement l’un des premiers projets dans lequel j’ai été impliqué, j’ai d’ailleurs été mis pas mal en avant sur ce disque. (Il scrute encore le label) Il y a d’ailleurs un putain de morceau de Dilla sur cette face (‘Do ya thang’ NDLR).

Conçu pour durer (s’adressant à Guilty Simpson) : Nous aurions voulu prendre les cassettes des Almighty Dreadknaughtz mais le timing et les conditions pratiques de l’interview ne nous l’ont pas permis, tu peux nous en toucher deux mots ?

Guilty Simpson : Yeah. C’était vraiment l’ère des cassettes et des premiers street cd’s. Une période charnière en quelque sorte. Le premier truc est sorti en cassette. De tête, je dirais 1997.Le nom c’était ‘City of Trees’, on voulait rendre hommage à l’endroit dans lequel on avait pour habitude de tous se retrouver pour freestyler : à Highland Park.

Conçu pour Durer : Tu te considérais comme un rappeur de Cipher à l’époque ?

Guilty Simpson (hésitant) : Oui et non en fait. J’étais impliqué effectivement dans pas mal de micros ouverts, de battles et toutes ces merdes, mais je n’étais pas le cliché du ‘backpack rapper’ tu vois. A vrai dire, j’étais même plutôt sauvage à cette époque (Sean Price éclate de rire), pas vraiment un mec super plaisant à croiser. Mais bon, j’ai fait du chemin et je remercie Dieu de m’avoir fait faire de la musique. Définitivement.

 

 

Guilty Simpson :  This is a man’s world (Stones throw 2007)

Guilty Simpson : Voilà, nous y sommes. Tu peux monter le son un peu s’il te plait?

Conçu pour durer : Peut-on dire que c’est le disque qui a vraiment lancé ta carrière ?

Guilty Simpson (réfléchit quelques secondes) : C’est pas faux. C’est en fait l’un des derniers morceaux que Dilla et moi avons enregistré ensemble en studio à la fin de sa vie. Et je dois dire aussi, que j’ai encore pas mal de matériel et d’inédits de cette période qui ne sont toujours pas remontés à la surface. Étrangement, la plupart des gens étaient plutôt mitigés sur ce que nous faisions à l’époque, alors que je trouve que c’est les tracks les plus dingues que Dilla ait pu faire pendant cette période. Mais qui sait ?

Bref, en tout cas, c’est un bon disque qui m’a permis un peu d’exorciser certains démons avec lesquels je me débattais depuis…toujours en fait. J’ai eu beaucoup de difficultés relationnelles avec mon daron tu sais. Mais ça m’a vraiment enlevé un poids de faire ce titre, et maintenant on arrive à se parler. Au départ, quand j’écrivais mes couplets, je me disais que c’était trop personnel, trop introspectif. Mais au final, je me suis laissé prendre par la musique, et voilà, c’est ce que j’en ai fait.

Juste un dernier mot que je voudrais rajouter là-dessus. Maintenant que j’ai pris de l’âge, je constate que dans la plupart des situations avec lesquelles je suis amené à dealer, il y a beaucoup de ses choix que je comprends rétrospectivement. Je suis en mesure de mieux cerner son état d’esprit de l’époque. Les choses sont ce qu’elles sont. Toi même tu sais.

 

 

Black Rock : Yeah Yeah (Select O Hits 1973)

Black Milk : C’est le 45 tours de Black Rock non? Tu l’as aussi alors ? Il m’a fallu un peu de temps pour le trouver celui-ci. Au début de l’année dernière, je bloquais dessus, et je me disais, ‘putain je dois trouver cette merde’. Indéniable. Au bout d’un mois de diggin’ intensif, j’ai finalement croisé une copie. Ce morceau, je voulais vraiment l’utiliser (sur ‘Deadly medley’ NDLR). Mais comme je me disais que tout le monde allait se contenter de boucler la partie d’intro avec le piano, je me suis dit ‘je vais le prendre un peu plus loin’, faire différemment. J’essaie toujours de découper et de déguiser les trucs à ma façon, que ce soit des synthés, ou juste des break beats à l’ancienne.

 

 

Conçu pour durer : Et maintenant au tour de Sean Price ! Nous avons un cadeau pour toi. ! (Corrado lui offre alors une copie cd de son mix Heavyweight Featuring)

Sean Price (visiblement excité) : C’est vrai, c’est pour moi? Merci, ça tue. Oh putain ! T’as vu mes air maxes mec ? (les am1 Patta NDLR). J’adore cette merde !! (éclats de rires).

Guilty Simpson (rires) : Regarde-toi vieux salaud, il a fait un truc mortel avec tous tes meilleurs feats, et le premier truc que t’as à dire c’est « mate mes pompes sur la pochette » !!!

Sean Price (rires) : C’est vrai, c’est vrai…Mais les gars, si vous voyiez les air maxes que j’ai chopées avant de partir en tournée… les Shima Shima: elles sont dingues, couleur sable avec une matière mentale.

(Digression sur les prix de Flight Club, et le modèle que porte Ruste Juxx sur la pochette du maxi ‘Fallback’)

 

 

Fab 5 : Leflaur Leflah Eshkoshka (Duck Down 1995)

Sean Price (examinant attentivement la pochette) : A l’ancienne putain. Mate ma chemise. Mate les motifs. C’est quoi ? On dirait des méduses… ou des putains de serpents (rires).

Conçu pour durer : Tu rockais Polo Sport à l’époque ? J’ai pas le souvenir que c’était un truc que vous mettiez particulièrement en avant dans les vidéos et les photos du Boot Camp.

Sean Price : C’est vrai, c’est vrai. Yeah. Mais si tu regardes attentivement sur le dos de la pochette de ‘Nocturnal’ je porte une veste en jean et une chemise Ralph Lauren. Lo-Lifes c’est mes gars. J’ai toujours porté Ralph Lo’, aucun doute là-dessus mec.

(Scrutant la pochette du maxi d’encore plus près) .Tu vois ma chaine là ? Je voulais être au point pour le photo shoot, alors j’ai dépouillé un gars, et je lui ai volé ce collier. On ne le voit pas là mais j’lui ai aussi racaillé sa montre. Mec, elle était si grosse qu’on aurait dit le bracelet de Wonder Woman (éclats de rires) !!!!!

A l’époque, Rock et moi on était grave en galère, alors on a finalement fait fondre cette merde, et avec l’oseille, on s’est acheté des nouvelles pompes, j’te le jure sur la vie de ma mère (il rit encore plus fort).

 

 

Erick Sermon – Heltah Skeltah – O.G.C – Trigger the Gambler – If you don’t know (White label)

Sean Price (l’interview a eu lieu une dizaine de jours avant l’accident cardiaque du bandit aux yeux verts) : C’est Erick Sermon…Attends une minute. Je me rappelle, yeah. C’était un jour de Saint Valentin. A l’époque, j’étais en chien, j’avais pas de meuf. Rien de mieux à faire un jour de Saint Valentin, tu vois ce que je veux dire ? Alors finalement on a fait ça ce jour-là. Erick a envoyé une limousine nous chercher, Rock, Starrang (d’O.G.C NDLR) et moi. A l’époque, il était encore signé chez Def Jam et ça devait sortir officiellement. Mais au final, rien ne s’est passé comme prévu. Je vois que ça a tout de même fuité dans la rue (dit-il en pointant le white label NDLR).Le deal était qu’on rappait pour rien en échange d’un beat gratuit. Mais comme tu t’en doutes j’en ai JAMAIS vu la couleur de ce beat. D’ailleurs, Erick, si tu nous écoutes, c’est Ruck d’Heltah Skeltah. Tu te rappelles pour le beat gratuit ? Passe-moi un coup de fil renoi !!

 

 

Lil Fame : The Hill That’s Real (4th & Broadway 1992)

Conçu pour durer : On ne pouvait pas venir sans un peu de Brownsville.

Sean Price : Oh no question gars!!! ‘The Hill that’s real’ mieux connu sous le nom de M.O.P ! On est tous de Brownsville. Mais eux sont plutôt d’un coin qu’on appelle ‘up the hill’, (il nous indique une barre d’immeubles à droite de la pochette ndlr) alors que je suis de ‘down the hill’.Mais ça ne fait aucune différence. On se connaissait d’avant le rap, pour des trucs qui n’ont pas vraiment d’importance dans une interview comme celle-ci (dit-il pudiquement même pas 5 minutes après son histoire de la montre ndlr).

C’est la famille ! Dédicace à tous, Lil Fame, Teflon, toute l’équipe. Brownsville c’est la fondation mec !

 

Interview réalisée le 17 Octobre 2011 à La Dynamo (Toulouse).
Photos : Matthieu Borrego
Remerciements : Pedro, Trinidad (Merci),Tieum, Bertrand, Popov, NRS Prod, Handmade Lodidodi.

 

 

SEAN PRICE « Heavyweight Featuring »

Corrado – Madzikila Saw – SEAN PRICE Heavyweight Featuring by Conçu pour durer