Conçu pour durer : On a ramené quelques morceaux pour un blind test. Le but, c’est pas forcément de trouver le premier…

Marc : Mais de discuter autour du morceau, du groupe…

Conçu pour durer : Exactement. C’est parti, alors!

 

 

01.PUBLIC ENEMY – Rebel without a pause

Marc : Un bon petit classique de Public. Un groupe de rap que je respecte énormément parce qu’il faisait partie des pionners de ce rap subversif et contestataire dont nous nous revendiquons, et ils on fait du bien au rap. Public Ennemy c’est un peu la base, c’est comme Krs One, des gens comme ça, ils ont été précurseurs et ils ont donné un bon virage au rap politisé et contestataire, donc ça fait du bien.

 

 

02.ASSASSIN – L’éducation à travers les médias

Marc : « les médias, les médias » (il chante). Un des premiers maxis que j’ai acheté de rap français, c’était même avant « L’odyssée suit son cours ». Les deux EP « Le futur que nous réserve-t-il? ». Assassin, franchement, dans les débuts j’adorais. Après, au fil des projets qui sont sortis, ça me touche un peu moins. Je trouve que c’est devenu un peu étalage de culture, étalage de bouquin qu’il a lu, et ça me touche moins car c’est moins personnel quand il écrit, dans ce qu’il dit. Parfois, il se place trop en tant que prof, c’est du genre « je vais t’apprendre un peu la vie », et j’ai toujours un peu de mal avec les gens qui veulent t’apprendre comment le monde tourne. Moi, j’aime bien que ce soit implicite, que ce soit par exemple un écrit personnel qui te fasse réfléchir un peu sur le monde, la société, mais que ce soit pas si explicite que ça : « ça c’est bien, ça c’est pas bien, ça c’est mal… » Je trouve qu’il a des travers comme ça sur la fin. Tu vois ces derniers projets « Confessions d’un enfant du siècle », je trouve que ça fait étalage de culture et finalement j’aimerais plutôt savoir : maintenant toi, parle en « je » et arrête de dire « j’ai lu tel bouquin, tel machin, tel truc et je te fais un résumé en gros dans la chanson que je sors », et j’aimerais qu’il soit plus personnel, ça me toucherait plus. Au début, il l’était : « L’odyssée suit son cours », « Le futur que nous réserve-t-il? », je trouvais qu’il y avait ce truc là. Après, j’avais bien aimé « Touche d’espoir ». Ensuite, après cet album, je me reconnais moins. Mais bon, ça reste perso.

 

 

03.URBAN DANCE SQUAD – No honesty

Mathieu : J’ai bien kiffé cet album, le travail du son de gratte. C’était l’époque des groupes de fusion : Rage Against the Machine, No One Is Innocent… C’est les groupes qui ont commencé à me faire dire « Tiens, je pourrais marier ma culture rock, avec laquelle j’ai commencé, avec autre chose, et a priori ça serait le rap ». Et au fil du temps, c’est ce que j’essayais de peaufiner, ce par quoi j’ai commencé, le rock, mais avec cette rythmique rap. Urband Dance Squad, c’était très rock, mais il y avait un son rouillé, pourri, qui, à un certain moment me plaisait beaucoup. Je suis passé par le noise, Sonic Youth, etc… tous ceux qui triturent, le côté pas très propre de la guitare… tu vois, comme l’intro de ce morceau !

Marc : Bizarrement, j’ai jamais écouté, jamais ! Parce qu’à l’époque où Urban Dance Squad est sorti, j’étais un intégriste du rap. C’est à dire qu’il fallait pas me parler de guitare électrique. Pour moi, le rap c’était grosse caisse, caisse claire , charley, sample… et j’écoutais vraiment que ça ! Et si on en est venus à une fusion rock dans La Canaille, c’est vraiment avec la rencontre des musiciens. Ils m’ont apporté leur culture rock, et du coup je me suis dit « ah ouais, ça colle bien avec mes textes, pourquoi pas continuer ! ». Mais c’est vrai qu’au début j’écoutais jamais Urban Dance Squad. J’écoutais Rage Against the Machine, les classiques « Killing in the name » parce que c’était tellement connu, c’était des hits mondiaux, donc tu peux pas passer à côté. Mais Urban Dance Squad, c’était sorti quand? Début des années 90?

Walter : Fin 80, début 90.

Conçu pour Durer : Avant Rage Against the Machine.

Marc : Ensuite Rage Against the Machine a suivi le pas. Mais maintenant du coup quand je réécoute ça je me dis « Ah ouais putain, c’est bon ça en fait! « . Mais quand c’est sorti je suis passé complètement à côté.

 

 

04.MORPHINE – Call Back

François : J’ai écouté un album, un des derniers.

Mathieu : Morphine, j’ai jamais trop écouté. Pareil, c’est un groupe des années 1990 ?

Conçu pour durer : Oui début 90. Le morceau est tiré d’un album « At your service » qui regroupe des lives, des inédits, et des versions alternatives. Ils ont sorti 5 albums. Le chanteur est malheureusement mort sur scène en 1999.

Marc : Il est mort sur scène ? Avec un nom comme Morphine, le gars est mort sur scène ?

(Stupéfaction générale…)

François : La composition, c’était basse, saxo, batterie et chant.

Mathieu : Ca me fait penser à un autre groupe dans ce genre : Soul Coughing. Un peu jazz, ils mélangaient pas mal les sonorités.

François : On l’entend pas sur ce morceau, mais il y a un barriton également sur certains titres.

Marc : Je suis passé complètement à côté de ce projet. J’irais voir.

 

 

05.DINOSAUR JR – DEL – Missing Link (Soundtrack : Judgment night)

Marc : C’est pas le MC qui chantait avec Gorillaz?

Conçu pour durer : C’est Del the Funky Homosapiens avec Dinosaur Junior. Un projet pour une BO de film qui faisait se rencontrer des groupes de rap et de rock : Sonic Youth – Cypress Hill, Slayer – Ice-T, Faith no more – Booya Tribe, Helmet-House of Pain…

Mathieu : Dinosaur Junior, je les avais connu parce qu’il avait fait une grosse tournée avec Sonic Youth, Nirvana, Mudhoney…

Marc : Je suis passé à coté, once again … (rire général)

 

 

06.BEASTIE BOYS – Time For Livin’

François – Marc : C’est bon ça ! (Rires)

Marc : Je me reconnais complètement dans l’énergie, après dans les textes moins, beaucoup moins. Mais dans l’énergie du groupe, je trouve que ça déchire. Après eux, ils s’en battent les couilles. A mon avis, si tu traduis tous leurs textes en français, tu rigoles je pense. C’est pour délirer, ils sont fonsdés, c’est festif, ils parlent souvent de ça. Mais leur énergie musicale, c’est mortel.

Mathieu : Leur énergie musicale est très riche, c’est un vrai groupe.

Marc : Ils sont passés par plein de stades : punk, rap, rap avec des instruments,,
rap avec machines… et puis leur DJ, juste un tueur.

François : Mixmaster mike !

Marc : Leur dernier album, je trouve qu’il y a trois titres qui déboitent. Le premier morceau « Make some noize », je le trouve super efficace.

 

 

07.Various Artists – 11″30 Contre les lois racistes

Marc : J’avais kiffé le morceau parce que je crois que c’était le premier projet où il y avait autant de rappeurs sortis sur le même morceau. En plus à un moment donné où il y avait des sales lois racistes qui passaient avec Chevènement, etc… D’une, je respectais la démarche, et puis cette instru, vu qu’elle était sur le maxi, on a tous rappé dessus… on a tous rappé dessus un truc de fou ! On l’a fumé de A à Z. En plus elle était longue, on pouvait poser longtemps (rires). J’ai des bons souvenirs de freestyle avec ce son là !

 

 

08.LA CLIQUA – Rap Contact

Marc : Ca, j’ai bien kiffé! Daddy Lord C, Rocca, Egosyst et Raphaël, franchement ils ont tout pété quand ils sont sortis ceux là. Et puis, j’aimais bien le travail de rime de Daddy Lord C, il avait un flow un peu bizarre, mais j’aimais bien comment les rimes étaient placées, c’était une écriture bien personnelle. Quand tu vois à cette époque là, quand c’est sorti, c’était mortel ! Et puis Rocca, j’aime bien cet artiste. Maintenant, il rappe en espagnol également avec son groupe Tres Coronas. Il a un super flow, surtout à cette époque là. C’était un bon projet : j’aimais bien les sons, la façon dont ça posait… j’ai bien kiffé!

 

 

09.RENAUD – Hexagone

Marc : L’ami Renaud ! (rires)

Mathieu : On s’est écouté l’album sur quel trajet ?

François : Pour aller à Saint-Brieuc en concert … (fou rire général)

Mathieu : On a bien rigolé, bon souvenir.

Marc : Respect Renaud. Il n’y a rien à dire. Je trouve que sa façon d’écrire, de raconter les histoires, cette espèce de gouaille populaire sur les morceaux du début… Je trouve qu’il avait trouvé une recette qui marchait hyper bien ! Une voix de canard, mais une belle écriture, réaliste sans des gros mots compliqués, des petites histoires du quotidien dans lequel tout le monde pouvait se reconnaître, un engagement politique aussi. Après sur sa fin de carrière, je m’abstiens.

Mathieu : Une réserve sur les arrangements des années 80 aussi … (rires)

François : C’est surtout le début qui est intéressant, le tout début.

Marc : C’est exactement ça ! (rires) Quand tu réécoutes, les instrus … c’est chaud quand même ! Les instrus variétoches, t’hallucines ! Mais voilà, après la démarche, le personnage, son historique, c’est mortel. D’ailleurs j’avais kiffé le projet « Hexagone », ou les rappeurs réinvestissaient le répertoire de Renaud, c’était bien, ça avait du sens.

 

 

10.SMIFF N WESSUN – Let’s Get It On

Marc : Ah là là, Cocoa brovaz aka Smif’n Wessun. Comment j’ai kiffé ça ! J’adorais ce son. A cette époque là, c’était Mobb Deep, Smif’n Wessun… D’ailleurs, ils avaient plus le droit de s’appeler comme ça à cause de la marque, donc ensuite c’était Cocoa Brovaz. Cette école là, Brooklyn, la East coast, j’adorais ce genre de truc, les caisses claires bien fortes, un gros beat. J’aimais bien parce qu’il avait tous à peu près le même son, c’est à dire un gros beat bien en avant, et le flow ! Un petit sample derrière, du boom bap qui tortille pas du cul, qui va direct à l’essentiel. J’aimais bien cette énergie là.

 

 

11.RAGE AGAINST THE MACHINE – Know Your Enemy

Marc : Les boss de la fusion, on va dire! Je trouve que c’est un groupe énorme. C’est eux qui m’on fait rentrer dans la guitare électrique. Je me suis dit « ah ouais, comment il rappe dessus! ». L’énergie que ça a en concert, c’est un des plus grands groupes du genre.

Mathieu : Ce qui me plaisait vachement dans la gratte, c’était pas le côté métal, mais le côté expérimentation. Il s’en servait pas vraiment comme une guitare, il essayait de remplacer un dj, les effets… tous ses sons avec des wallies etc.. Il était très précis.

Walter : La basse guitare qui tourne en boucle tout le temps à l’unisson.

Mathieu : Du coup c’est super efficace. En même temps il a cherché plein de trucs, à trifouiller…

Walter : C’est un mouvement qui a un peu disparu, c’est bête.

Conçu pour durer : Tous ces groupes de fusions dont on a parlé tout à l’heure, Urban Dance Squad…

Walter : C’est devenu ringard… alors que je considère pas ça ringard.

Marc : Il y a de moins en moins de projets qui se revendiquent de cette fusion là…

Mathieu : Si, il y en a un actuel …

Marc : « La Canaille », tu veux dire… (rires)

Mathieu : D’une (rire). Non, mais pour ma part, c’est un truc que j’attendais et que j’ai pris en pleine gueule quand c’est arrivé, c’est le projet « Blackroc » avec les Black Keys.

Marc : Ah mais … c’est plus soul, moins vénere.

Mathieu : Oui mais c’est de la fusion. La fusion d’un style avec un autre. Pour moi, comme il y a ce côté, on mélange un vieux son soul, c’est un peu intemporel, et du coup c’est un truc que j’ai toujours aimé. C’est un son qu’on a tous toujours kiffé, qui est inscrit comme son que l’on a écouté quand on était gamin… et du coup, je sais pas si c’est une tendance qu’il y ait des groupes qui prennent des vieux sons comme ça, comme Aloe Blacc, Amy Winehouse …

Conçu pour durer : Le côté fusion, quand tu disais c’est un peu ringard, c’est peut-être qu’il y en a toujours autant qu’avant, même plus, mais que les gens s’en foutent.

Walter : Oui c’est ça ! Comme disait Marc on ne s’y intéresse plus trop ! A part les mecs de l’époque.

François : Les gamins le font encore, l’autre jour quand on est partis à Montreuil, ils l’ont joué…

Walter : Ouais, mais c’est devenu un classique « Killing in the name »!

Marc : Ce qui était bien avec Rage, c’est qu’il y avait d’une part cette énergie musicale, et puis des textes. Gros textes engagés, et d’ailleurs le mec à la fin il a arrêté car il en avait marre : « Je prône la révolution mais je me retrouve à être un des groupes qui vend le plus, on est blindés, ça sert à quoi? ». C’est un paradoxe. Les mecs en concert, ils ont les mains levés, alors que le gars il veut juste que la société, elle se retourne. Et apparement … c’est toi qui disait ça (s’adressant à François), ensuite il a fait un projet encore plus radical.

François : C’était un poète engagé.

Marc : C’est pour ça que c’était mortel ce groupe, c’était pas juste du son. C’était des valeurs et du son. C’est parfait, tu en as pour le cerveau et les jambes. C’était mortel ce projet.

 

 

12.PORTISHEAD – Machine Gun

Mathieu : C’est du dernier album. Il est assez dark mais il est très bon.

François : C’est l’album avec le P, c’est ça?

Mathieu : Ouais, c’est ça. Grosse influence pour moi en ce qui concerne le travail de compo. Tous ces mélanges de sons, l’univers du trip-hop, je suis bien passé dedans dans les années 90. Les textes, je comprenais rien … mais musicalement, les émotions, la voix…

Marc : Elle avait une pure voix, bien envoûtante.

Mathieu : L’arrangeur, Geoff Barrow, qui travaille sur les compos, était vraiment bon.

Marc : Et puis ça n’a pas vieilli. Les projets de Portishead, les tous premiers, tu réécoutes, tu te dis « ok ». Tu te dis pas « ahhhh le son, la honte! »

Mathieu : Ca ne vieillit pas parce qu’ils créent…

Marc : un son!

Mathieu : Les trucs qui vieillissent c’est quand tu copies un style dans une période. Quand tu défriches, tu peux pas deviner ça.

François : Les machines, ce n’est pas ça qui est prédominant, il y a toujours un son instrumental. Souvent le truc qui vieillit c’est le son des machines. Les trucs qui vieillissent pas c’est quand il y a un mélange …

Marc : Bah ouais tu passes à des nouveaux sons, à des nouvelles banques de sons et tu te dis « Ah la honte, les kick comme ils sonnent ! »

Mathieu : Je me faisais la réflexion il y a pas longtemps, et je me disais « Qu’est-ce qui vieillit et qu’est-ce qui ne vieillit pas? » Et l’autre jour, on écoutait la radio, on délirait en rentrant de je sais plus où et on écoutait des vieux sons de disco. Certains vieillissent, et pour d’autres tu n’as pas ce sentiment là…

Walter : Si le groupe était visionnaire à l’époque, ça traverse le temps. Même dans la variété, il y a des trucs visionnaires.

Mathieu : C’est ça, c’est à dire qu’au moment où il a créé, soit le groupe était dans la démarche de créer complètement, soit dans la démarche « Bon, en ce moment le grunge ou la disco ça marche pas mal … » et tu fais des morceaux disco parce qu’il vont sonner disco, c’est souvent ça qui vieillit mal.

Walter : Il y a l’électro aussi qui ramène pas mal de vieux sons des années 80 au goût du jour. Dans ce style de musique, un peu en haut, je mettrais Björk. Elle a apporté beaucoup. Elle inspire beaucoup de monde aussi. On en parle pas tant que ça, mais elle est vraiment tout en haut.

Conçu pour durer : Au niveau de l’expérimentation…

François : A tout niveau.

Marc : Elle sort son album actuellement, c’est tout virtuel, tu vas te balader dans son site…

Walter : C’est vraiment profond son délire, c’est pas évident.

Marc : Elle est habitée.

Conçu pour durer : C’est pas forcément facile d’y accéder à la première écoute…

Marc : Ouais, c’est ça. Faire l’expérience.

Walter : Quand j’ai regardé son film, j’ai reculé de deux pas. Du coup, je déprime (rires).

Marc : (Eclats de rire), Son film, c’est un truc de ouf!

François : Quel film?

Marc : « Dancer in the dark ». Ah … le truc à la fin, quand elle meurt, t’en peux plus, tu te dis « C’est la catastrophe, il n’y a pas d’espoir, c’est mort, c’est foutu! »

Walter : Ce genre de star planétaire, tu sens qu’elle ne fait aucun compromis. Je trouve ça génial.

 

 

13.MANO NEGRA – Peligro

Mathieu : Très bon, on en parlait récemment.

Marc : Ca fait partie des groupes cultes français. On disait « La Mano negra, ils ont tout déchiré ! »

Mathieu : Ils ont mis tout le monde d’accord.

Marc : Ce que je respecte là dedans, c’est qu’ils étaient vraiment réputés pour être un groupe de live, et ça, chapeau bas. J’aimerais qu’on me dise plus tard  » La Canaille, faut vraiment voir ça en live, parce qu’il y a vraiment une énergie qui change du disque ». Ils étaient réputés pour retourner toutes les scènes, c’est classe. Ils avaient ce côté alternatif qui a du sens pour moi.

Walter : C’est impressionant comment il a été vendu ce projet, parce que c’est arrivé chez tout le monde ! On ne sait pas trop d’où c’est arrivé mais ça a vraiment fait l’unanimité !

Marc : Ouais, ils ont fédérés les rockers, la chanson française… Après, il est parti en solo, on disait Clandestino, Manu Chao…

Walter : En une seconde tu sais que c’est lui! (rires)

Marc : Ce petit son. Il était dans tout les apparts, tout le monde avait son putain de disque!

Walter : C’est quand même énorme d’avoir une identité sonore comme ça. Maintenant il utilise souvent la recette … mais il l’a inventé.

 

 

14.LA RUMEUR – Blessé dans mon égo

Marc : Classique! Ah là là, moi La Rumeur, c’est une énorme, énorme claque dans le peura français. Quand ils sont arrivés, je me suis dit « Voilà, ça c’est le genre de rap qui me touche ! » C’est à dire qu’il y avait le propos. C’étaient les premiers à mettre en avant le terme prolo aussi dans leur texte. Dans leur premier maxi, ils utilisaient vachement ça, et ça a fait tilt dans ma tête parce que c’est exactement ça que j’avais envie d’entendre, je me reconnaissais … c’était mon identité. Les petits gars du peuple qui parlent au nom du peuple. Leur premier concert à la Goutte d’Or j’y étais, je montais de province pour aller les voir à leurs premiers concerts. Après, tout ce qu’ils représentent dans le rap français, je trouve ça mortel. Après Nord Sud Est Ouest, je suis moins à fond dedans, j’attends avec impatience le prochain projet estampillé La Rumeur. Parce que N.S.E.O, ça n’a pas la même qualité d’écriture, les sons, les thématiques qu’ils traitent, ça me touche moins que les albums. Les 3 premiers maxis, et les 3 premiers albums, une tuerie. Le coeur à l’outrage, il y a des morceaux magnifiques : les deux solos d’Hamé « Le chien dans ma tête  » et « La meilleure des polices », à chaque fois que j’écoute, grosse claque.

 

 

15.FF – Sans Remission

Marc : « Ahhhh, de Mars on part en croisade… » (il chante). FF grosse claque des années 90 aussi. C’était mortel. FF ce que j’ai kiffé avec eux, c’était leur énergie, il y avait un truc vraiment de cri d’urgence, même dans la voix, c’est la première fois qu’il y avait des rappeurs qui gueulaient dans les micros. « Si dieu le veut », même maintenant quand je le réécoute, ça reste mortel. Après ils ont fait « Art de rue » et les autres projets … j’ai moins accroché.

 

 

16.SLOY – Pop

Mathieu : Ah c’était bon ça!

Marc : Qu’est ce que c’est Sloy? J’ai jamais entendu parler de ce nom ! Qu’est-ce que tu nous as encore sorti ?

Mathieu : C’est encore un truc des années 90, de rock , à l’époque ou j’écoutais Sonic Youth, Flipper, Mudhoney… ça fait longtemps que j’ai pas entendu ça. Vieux souvenir, avec le clip qui tournait sur M6.

Conçu pour durer : Le batteur de Sloy, Cyril Bilbeaud est dans Zone Libre.

Marc : Ah ok !

Walter : Je suis en train de faire le lien, on m’en a parlé il y a pas longtemps.

 

 

17.THE ROOTS – Proceed

Marc : « I shall, proceed » (Il chante). Je trouve que c’est une des meilleures formations de musique, tout court, même pas de rap. Je les ai vu quatre fois en concert, c’est de la musique, de la bonne musique. Ils ont fédérés tous les milieux, parce que sur scène ça tourne grave, c’est un truc de fou, c’est un gros son de batard ! Questlove à la batterie, c’est juste un tueur. Black Thought, j’adore sa voix, j’adore son flow. Je trouve qu’à chaque album, ils changent de son. Parfois, c’est un peu variétoche, ça me casse les couilles, parce que c’est un peu trop « soupasse », certains titres un peu sirupeux, mais « Proceed » pour moi c’est un classique. D’ailleurs, tout cet album déchire !

Walter : Moi c’est ce groupe qui m’a amené au rap. C’est à cause d’eux que je fais du rap. C’est un pote rappeur qui m’a apporté ça ; il m’a dit « je voudrais bien monter un groupe avec des zikos. Tiens écoute ça ! ». Je lui ai répondu « Qu’est-ce que tu veux que je foute dans le rap? « . Et direct ça m’a parlé !

Marc : Ils ont inspiré un paquet de groupes !

Walter : C’est vraiment l’histoire des instruments, joués en live, avec ce groove, et ce rap par dessus, c’est un truc de fou. Tu arriveras jamais à ça.

Marc : C’est ça le problème avec les autres groupes : c’est que The Roots, c’est eux qui ont inventé ce truc, ils ont leur son à eux, et t’as plein de sous-The Roots . Je trouve que c’est « chipolata »…

Walter : Pas forcément, mais c’est copié!

Marc : T’as l’impression que c’est du copié-collé ! T’as l’impression qu’ils ont influencé un paquet de groupes.

Walter : Ils sont chiant ces groupes là, ils ont créé un truc, on va s’en inspirer encore des années …

Marc : Le hip hop, ils le transpirent, ils ont une façon de le dégager. Du coup en français, c’est souvent quand tu as des formations comme ça, un peu jazzy, des textes à la mord-moi-le-zguègue… De la merde ! Tu lis le texte, tu te dis « c’est bon, qu’est-ce que j’en ai à foutre de ce que tu me racontes ». C’est des trucs hyper légers, mielleux, soupasses…

Walter : Basses, batterie, etc… T’as pas le groove des Roots.

Marc : Alors qu’eux, ils l’ont inventé, et ils disent pas des conneries. Ils ont des vrais thématiques. Il y a tout un son. Les sons de batterie sont hyper travaillés, ils font tout sauf de la facilité, je trouve. Le problème, c’est qu’il y a plein de groupes qui n’ont pas compris que ce son là a toute une direction artistique derrière, un son et des valeurs… C’est pas juste : tu mets une ligne de basse, une batterie acoustique….

François : C’est pas parce que c’est facile à écouter que derrière c’est pas travaillé !

Walter : C’est énorme !

Marc : Le bassiste, tu as l’impression qu’il ne fait rien, mais en fait c’est un tueur ! En concert, c’est parfait !

Walter : De toute façon, c’est ce qu’il y a de plus dur à jouer, d’être inspiré comme ça, de mettre les notes où il faut, au bon moment… le groove, voilà !

Marc : En plus, c’est tous des showmen. De toute façon, tu vas voir The Roots, tu sais que tu vas prendre ta claque !

 

 

18.NTM – Le monde de demain

François : Lalo Schiffrin?

Mathieu : Shaft?

Walter : On a tendance à plus connaître leurs samples que les morceaux (rires) !

Marc : Mortel, je cautionne depuis le début, il n’y a pas de problème ! Des bêtes de scènes, pour l’énergie en live, meilleur groupe de scène en rap, platine-voix je parle. Deux brutasses, c’est cliché ce que je dis, tout le monde le dit, mais en même temps c’est la vérité. Kool Shen-Joey Starr, pour l’énergie, c’étaient les boss !
Par contre, je suis allé voir leur réunification à Bercy, j’ai moins kiffé (rires). J’ai moins kiffé parce que je les avais vu à la grande époque !!!

Walter : Ah beh oui…

François : C’était un plan un peu comme ça, pour se faire plaise !

Marc : Un plan un peu marketing, pour la thune …

Walter : A un moment donné les gars se retrouvent … putain, tu te dis « Faites un petit album ! »

Marc : Et puis à un moment donné il y avait tout un truc avec les meufs qui déboulent sur scène … tu y étais à la réunification à Bercy?

Conçu pour durer : Non, je les avais vu à la bonne époque, je voulais garder ce souvenir.

Marc : J’avais été invité, je voulais pas acheter les places, je trouvais ça trop cher, et j’ai réussi à avoir des places gratos, c’était pas loin de chez moi, voilà. J’étais un peu déçu, il y avait beaucoup de voix en plus dans les bandes, ils chantaient pas trop, et puis à un moment donné, des meufs en string qui déboulent, grosse scénographie sur « Ma benz »…

Mathieu : Ah c’est bon quand même ce clip (rires) …

Marc : En concert, elles sont toutes sorties, chacune avec leur barre, à jouer les grognasses… je me suis dit « Les mecs, qu’est-ce qu’on s’en branle, c’est quoi le délire? Vas-y anquille le mic ! ». Ils avaient six danseuses à poil, j’ai pas trop kiffé !

 

 

19.WU TANG CLAN – Da Mystery of Chessboxin’

Marc : Putain Wu Tang!!! Ah ça…

Mathieu : Gros changement dans les moeurs musicales. Ils sont arrivés à ce genre de choses.

Marc : Laisse tomber ! Ils sont arrivés avec un grain ! Les grains de beat à chaque fois… Cet album, c’est juste magnifique! La formule que RZA a trouvé à cette époque là… pfff claque à tout le monde. Une énergie, un gros crew. C’est la première fois que t’entendais parler d’un gros crew, pour le coup c’est la première fois que t’entendais parler d’une grosse formation de MC’s sur scène…

François : Indépendants !

Marc : Indépendants. Même s’ils sont signés sur un gros label… Ah c’était mortel, l’époque Wu Tang ! Cet album là, je le fais tourner encore maintenant, il n’a pas vieilli.

Mathieu quitte la pièce, suite à un appel téléphonique. Il sera absent jusquà la fin du blind test. (ndrl)

Walter : C’est une école aussi apparemment !

Marc : Dans le grain, c’est monstrueux !

François : Très minimaliste.

Marc : Et puis la personnalité des MC’s, ils ont tellement de charisme, les voix…

Conçu pour durer : L’image également …

Marc : Ouais, le Wu, leur symbole … tu le voyais partout ! Ils étaient hyper forts, c’était super bien travaillé.

 

 

20.PRIMUS – DMV

Walter : Bassiste de fou ! Monstrueux, psycopathe !

Marc : C’est quoi ça encore ? Jamais entendu parler. Ca sort d’où ?

Walter : Pareil, les années 90. J’ai écouté à l’époque, le bassiste de fou, ça façon de slapper la basse

Marc : C’était un bassiste chanteur ?

Walter : Ouais. Après, j’ai pas suivi leur carrière discographique, mais j’ai écouté notamment pour le bassiste (rire).

Conçu pour durer : C’est clair que quand tu joues de la basse, t’écoutes Primus…

Walter : Forcément, tu passes par lui ! C’est bien barré quand même (rire) !

 

 

21.BLACKROC – What You Do To Me

Marc : Mortel ! Cet album pour l’apéro, c’est juste parfait ! Ca tourne de A à Z, il y a juste une chanson où la meuf est en solo, qui fait vraiment R’n’B de merde, celle-là je la zappe toujours. Ca fait plaisir sinon, il y a même un inédit avec ODB que je trouve mortel, où il chante hyper bien. La production, les sons, entre la soul, le rock, le blues et le rap, rien à dire ! En plus, ils ont pris des cadors au niveau des MC’s. J’attends le deuxième opus du coup, j’ai vu un teaser. Apparemment, le teaser est sorti sans autorisation des Black Keys, du coup, ils sont dégoutés parce que ça ne devait pas sortir maintenant, je sais pas quoi…

Conçu pour durer : L’album des Black Keys sort le 5 décembre, donc le Blakroc devrait suivre par la suite début 2012…

Marc : J’ai l’impression que l’on en a pas tellement parlé de ce projet…

Walter : Alors que c’est énorme pourtant !

 

 

22.ROCE – On s’habitue

Marc : J’ai reconnu à la grosse caisse, caisse claire direct ! (Rires) Ce morceau, ah là là là, quand le sample de violon rentre… bouahhhh, tu fais trois tours dans ton slip !!! Rocé, ça fait partie des rappeurs qui me nourissent, chaque projet qu’il sort, j’en ai pour les oreilles, pour le cerveau. Après, j’entends dire que le flow de Rocé, c’est soit tu kiffes, soit tu détestes. Cette façon un peu linéaire, sans s’arrêter, soit t’adhères, soit t’adhères pas du tout…

Walter : C’est souvent un signe de qualité.

Marc : Il a une personnalité au niveau du flow, tu reconnais tout de suite. Il écrit super bien, je trouve. Ca fait partie des gens avec qui j’ai envie de collaborer. Dans sa façon d’écrire, il y a plein de points communs…

 

 

23.IAM – Tam Tam de L’Afrique

Marc : C’est avant « Ombre et lumière », c’est ça? Chan-mé ! Pareil, « Ombre et lumière » grosse claque de ma culture hip hop française. Quand cet album est sorti, je me suis dit « Ah les mecs, pffff « . Double album, à cette époque là, c’est la première fois qu’on avait ça, et puis toute une imagerie derrière, les pharaons, l’Egypte, etc… Les petites histoires, jusqu’aux petits interludes entre les chansons, c’était chan-mé. Ensuite, je me suis arrêté après « L’école du micro d’argent ». Ca fait partie des albums de chevet en rap français, mais après ça m’a moins touché.

 

 

24.CYPRESS HILL – Boom Biddy Bye Bye

Marc : Grosse claque également. Ca fait partie des groupes de rap dans lequel on se reconnait complètement. Et puis eux aussi, en concert ils fusionnent avec des zikos…

Walter : Oh ouais (enthousiasme)… Bien rock !

Marc : Même métal ! (rires), c’est pas rock, c’est métal! Et puis voilà, même à la prod, le son qu’ils avaient, c’était toute une école… Funkdoobiest, House of pain, plein de groupes qui ont émergé début 90, c’était eux les investigateurs…

Concu pour durer : « Soul Assassins » avec DJ Muggs également…

Marc : Ouais. Eux, ils ont amenés une griffe de son. Ils ont coloré le hip hop. Une super fusion, son flow aussi, juste mortel. Tu le reconnais direct ! Rien à dire aussi, super projet.

 

 

25.BOOBA – Repose en paix

Marc : Moi, en fait, j’ai fait tourner ça car il y a plein de potes qui écoutaient. Lunatic, ils kiffaient. Et du coup, forcément c’était des souvenirs en bas des tours à fumer des joints, puis écouter Lunatic dans leur caisses (rires). J’ai toujours considéré qu’au niveau du son, de la forme j’aimais bien, mais par contre je cautionne pas du tout, mais pas du tout au niveau du fond. Depuis le début, je le dis, c’est pas pour ça que je suis rentré dans le rap. J’aime pas du tout les valeurs qu’il dégage, j’aime pas le discours… tout ce qui est au niveau du fond, je me désolidarise complètement de ce mouvement. Après au niveau de la forme, je reconnais que Booba, s’il en est là aujourd’hui, c’est qu’il a vraiment un truc au niveau de la forme, de son flow, de ses sons. A cette époque-là, il travaillait avec 45 scientific, il sortait en indé. Voilà, il y a des bons aspects, mais il y a vraiment pour moi surtout des aspects très négatifs au niveau du texte.

 

 

Interview réalisée le 23 Novembre 2011 au studio Cesame (Toulouse).

Marc Nammour ( Chant )
Walter Pagliani ( Basse )
Mathieu Lalande ( Guitare )
François Malandrin ( Batterie )