Conçu pour durer : Quels sont tes premiers souvenirs de disques achetés?

Jr Ewing : Les premiers, ils étaient pas achetés !

Tieum : Les premiers que tu as eus entre les mains (sourire)…

Jr Ewing : Tous confondus?

Conçu pour durer : Oui.

Jr Ewing : Le premier que je me suis acheté, c’est « Laisse Béton » de Renaud en 45 tours (rires).

Conçu pour durer : Et tes premiers disques de rap?

Jr Ewing : Comme je te dis, à l’époque, il y avait beaucoup de trucs qu’on prenait en cassette parce qu’on n’avait pas trop d’argent, donc souvent on volait les cassettes. C’était plus simple que de voler les vinyls … donc il y a beaucoup de choses qu’on a eues en cassette aussi. Quitte à avoir déjà écouté en cassette et après aller charger des vinyls avec un carton à dessin ! Mais en rap, les premiers (il cherche) … ah si avant « Break dance », on a eu des Kurtis Blow, des trucs comme ça quand même. Après … l’époque Sidney, et après vraiment la fracture avec le Run DMC / Beastie Boys et toute la vague Public Enemy, Eric B et tout ça. Et avant, tu as les trucs old school, en même temps que tu avais les Kurtis Blow, tu achetais les trucs de funk. Moi après, j’ai eu une période dans tout ce qui était punk, j’ai aussi eu la période Sex Pistols. Mes parents eux-mêmes étaient dans le rock, ils achetaient des vinyls … j’ai même eu l’occasion de toucher une version dédicacée par Warhol de la pochette de Sticky Fingers tu vois… Il y a des Rolling Stones, donc c’est vague, il y a eu plein de vagues… les David Bowie aussi. Donc le rap, c’est un truc qui est arrivé après les vinyls, mais il y avait déjà eu des vinyls en fait, il y a toujours eu des vinyls.

Conçu pour durer : Quand est-ce que tu as commencé à mixer?

Jr Ewing : J’ai toujours fait des cassettes, avant je mixais pas parce qu’en fin de compte j’étais un peu prescripteur pour mes potes sur les sons que j’avais, je copiais souvent les émissions de Dee Nasty, tout ça… Et après, je me suis vraiment mis aux platines dans ma boutique de disques The Lab. On avait mis deux platines, et comme on avait pas des clients toute la journée, il fallait bien passer le temps (rires) !

Tieum : Je me souviens de certains après-midis plutôt calmes …

Jr Ewing : Ah la la …

Conçu pour durer : Quand est-ce que tu t’es vraiment lancé dans les mixtapes de façon plus officielle?

Jr Ewing : En fin de compte, le truc qui se passait, c’est que je faisais tout le temps plein de mixtapes. Une mixtape perso et ensuite je copiais avec des radios cassettes. Sauf qu’après avec La Cliqua, Daddy Lord C, etc … qui me demandaient toujours des cassettes, après untel et puis l’autre qui avait fait écouter à untel, donc à un moment tu te retrouves à copier…

Tieum : Ne faire que ça.

Jr Ewing : Ouais, tu as des postes qui tournaient en continu. Donc j’avais repéré un peu : Clyde avait sorti un peu de la mixtape, Spank, Cut qui commençait, Poska également … mais ils étaient pas du tout sur mon créneau. Donc après, à un moment, vu que j’étais pas mal dans le disque à l’époque d’Arsenal, j’avais des plans. Là où je faisais presser les disques, ils pressaient des cassettes. Du coup, je me suis dit : « Je vais faire un truc un peu plus pro et je vais voir ce que ça donne. ».

Conçu pour durer : Les cassettes de Clyde, Cut, les Evil Dee, Tony Touch, Mister Cee … ont été des influences pour toi ?

Jr Ewing : Ah bien sûr, tout. Moi comme je te dis, j’ai toujours été dans les cassettes même de groupes officiels, tous les DJ. Et vu que j’étais tout le temps dans les news moi-même, les cassettes de Dj Clue tout ça, même si elles n’étaient pas mixées, je m’en foutais. Je prenais des grosses news, ça permettait de savoir ce que tu voulais en vinyl derrière. Nous, il y a plein de trucs qu’on a découvert sur cassette et qu’après on a cherché en vinyl tu vois. Ça fait partie du truc. Dont plein de trucs qui ne sont jamais sortis en vinyls surtout (rires) !

Conçu pour durer : Pour réaliser tes cassettes, tu faisais des enregistrements en multipiste ou en one shot?

Jr Ewing : Il y avait du multipiste, mais la plupart du temps c’était du one shot. Donc après, hormis un gros gros pét, alors que tout était nickel et que c’était vraiment con, c’était du one shot. Sinon tu l’entends, il y a des trucs qui ne sont pas parfaitement calés, mais je préférais garder un côté vivant. Après, chacun ses goûts … Je voyais plein de gens qui faisaient pas mal de multipiste à côté, il n’y avait plus l’âme de la mixtape, ça faisait medley… Moi j’aime bien que ce soit propre mais j’aime bien que ce soit vivant aussi !

Conçu pour durer : En ce qui concerne les sélections et les thématiques, comment tu opérais?

Jr Ewing : Ca dépend en fait, c’est à peu près comme la peinture. En fin de compte, tu n’as qu’une vague idée, mais en même temps tu l’as et elle correspond à un truc qui s’impose. Ça a toujours été comme ça. Et tu réalises que l’autre, il raconte ça dans tel morceau, comme par hasard il va trop bien avec celui-là à d’autre niveaux. Et en fin de compte le truc, c’est une espèce de fluide, dans la peinture ça fait la même chose. Après moi, ce que j’essayais, vu que je suis pas trop dans les scratchs, c’est qu’il y ait vraiment une fluidité dans les mixs. Essayer de trouver un morceau, que derrière si tu veux le mixer avec un autre, tu trouveras ça toujours moins bien. Que ce soit comme les deux morceaux qui s’imposent. Et après aussi sur les thèmes, je suis quand même bilingue, je sais qu’il y a des gens qui n’ont pas fait gaffe mais en général, je vais pas mettre un morceau qui parle que de meufs alors qu’il y avait quatre ou cinq morceaux avant qui avaient une thématique très sociale, même si le morceau va bien avec. Et après en fonction du truc, une thématique qui allait avec la pochette, qui pouvait aller un minimum avec les morceaux, mais bon ça après c’est plutôt un gimmick, les bruitages qui correspondent. Les seuls trucs qu’on rajoutait, c’était les drops des DJ et des rappeurs. Mais sinon en général, les drops étaient joués en live par Armen, après je les faisais moi-même. Quand il était encore à Paris, il faisait les drops en live, donc ça nous faisait aussi une interaction avec l’ingé son. On était trois, l’un à côté de l’autre à bosser en live.

Conçu pour durer : Et au niveau des visuels, c’est toi qui choisissais?

Jr Ewing : Ouais, tout. Je suis super directif dans le travail et en général, j’ai une idée bien arrêtée. Après c’est mon délire aussi, j’ai toujours été dans la provocation, donc c’est mon image aussi qui se reflétait là-dedans, de faire des trucs un peu péchus et qui sortent de l’ordinaire, au lieu de nanas pris dans « The Source » ou je sais pas quoi …

Conçu pour durer : Je voulais faire un focus sur une tape en particulier : La volume °5 « Pure premium °1 ».

JR EWING – Pure premium°1 – GhettoramA

FRANKENSTEIN – The Pain

Jr Ewing : C’est les vrais premiers disques cultes super durs à trouver qu’on a commencé à avoir. Ce qui se passait, c’est que j’avais tenu la boutique de disques, j’étais pote avec les NTM, j’avais eu des émissions de radio, mes mixtapes, etc … En fait, on était une petite poignée à Paris, on avait la chance dans les boutiques, et spécialement dans les boutiques qu’il fallait, d’avoir nos sacs de prêt le mardi soir quand on allait chercher les imports, tu vois. Mais faut savoir que par exemple, ça c’est des grosses semaines, c’est à dire que le Frankenstein arrivait en même temps que le Dutchmin et que le Microphone Terrorists. Et je vois Spank à l’époque où il bossait à Ticaret par exemple, et pareil pour moi quand je bossais dans ma boutique de disques, quand tu n’allais pas sur place à New York les chercher, tu voyais les noms sur les faxs, tu te disais « oh là là, ce nom il a l’air chan-mé ! », sur un autre truc tu as marqué « Djihad », il y a quasiment rien eu avant, voire même rien… avec le nom, tu sens que ça va être de la bombe, mais toi tu tiens une boutique donc tu peux pas prendre le risque d’en commander vingt d’un coup ! Donc tu vas en commander cinq au cas où ce ne soit pas autant de la bombe que ce que tu pensais, parce que ça arrive. Là t’arrives pas à les vendre et t’es soulé. Mais du coup, les cinq qu’il y a…

Tieum : C’est la guerre!

Jr Ewing : C’est même pas que c’est la guerre, c’est qu’ils arrivaient pas dans les bacs ! C’est à dire qu’il y en avait un pour Clyde, un pour moi, un pour Spank, un pour Dee Nasty, un pour Cut, un pour Pone … enfin tu vois, ça dépend ! Tu essaies de les recommander la semaine d’après, sauf que c’était en super petite quantité, et que c’est déjà en rupture, et tout le monde est dégouté, et voilà. Tu as plein de disques comme ça, où c’était dur pour les autres, car ils nous entendaient les mettre sur les platines, ils se prenaient des claques de ouf : « Non, mais je t’en supplie, trouve-le moi ! ». Ça a fait des drames, des drames de dingues. Ça, c’est la première vague, après le fait que ce soit introuvable, ça rendait le disque encore plus mythique. Après, Frankenstein il y a eu un truc particulier … j’ai vraiment eu un coup de cœur sur cet artiste ! Vu que j’étais un des premiers à mettre en avant ce genre d’artiste, ça a fait une corrélation, et donc je lui ai couru après, enfin couru, j’ai eu l’occasion de le rencontrer, et de faire par la suite un maxi ensemble (« The Project » ndlr), dont j’étais très content.

SAUKRATES – Father time

Jr Ewing : Quasiment tout cela c’est presque, à deux semaines près … c’est quasiment tout la même semaine. Après c’est toute une vague qui correspond à la vague où on découvre qu’il y a des excités à Toronto, au Canada. Mais à Toronto en particulier, où il y a toute une scène qui est arrivée d’un coup. La scène de T Dot. Mais ils sont tous arrivés, je te dis Choclair, etc … on va dire ça s’est étalé sur un mois, dont certaines balles. Tu as cinq ou six gros trucs majeurs qui sont arrivés la même semaine, c’est ça qu’il faut réaliser aussi. Tu rentrais chez toi, tu te mettais les trucs après, car tu les écoutais un peu dans la boutique, mais après t’es là, les potes ils passent, woah ! Début septembre 1996, ils sont tous arrivés je crois, la même semaine ! Mais après c’est toujours pareil, le Saukrates, c’est celui-là qui l’a fait péter alors qu’il y en avait un, en 94 qui était complètement fou, que peu de monde avait. Ce n’est qu’en 1996 que j’ai réalisé que c’était le même gars !

ROYAL FLUSH – World wide

Jr Ewing : Ça … c’est plus pour la sonorité, c’est mes trucs du Queens. Quand Mic Geronimo, etc … sont arrivés, c’était des semis-indépendants, TVT Records, Blunt, etc… Mais c’était quand même des indépendants, c’était plus des indépendants à la Cold Chillin, à l’ancienne, tu vois les premiers trucs old school. Donc c’étaient pas les petites galettes auto-produites d’après, mais c’était quand même une volonté d’indépendance. C’est plus 1994-1995.

COVER THE CHILD OF DESTRUCTION – Underground Flow

Jr Ewing : Celui-là, je crois que je l’ai eu à New York. Parce que Cover faisait partie de Children Of Destruction, les C.O.D, qui avaient des liens au travers de Mickey Loeb et des Lords Of Brooklyn qu’on connaissait. Mais celui-là, je crois que je l’ai eu à New York, je suis plus sûr non plus… Non mais celui-là, je crois que je l’ai eu à Sound Records, j’étais un des rares à tomber dessus au bon moment. Parce que Sound Records, personne n’aimait y aller parce que le boss, il était dur. Moi je les faisais tous, parce qu’il y avait des trucs qui arrivaient à LTD, des trucs à Ticaret, des trucs à Sound Records et c’était pas du tout les mêmes genres. Ouais, ce maxi c’est Sound Records. Et tu avais plein de gars qui étaient dégoutés parce qu’ils supportaient pas le gars en question, donc ils voulaient pas y aller, c’était une question d’éthique pour eux. Je sais qu’il pouvait être insupportable mais quand ça allait, ça allait. Moi j’avais pas de problème avec lui, je le connaissais depuis des années. Mais du coup, j’y allais parfois, et là-bas c’était un autre type d’écoute. Là-bas, tu avais pas ton sac prêt, il fallait vraiment fouiller dans les trucs, lui-même ne savait pas ce qu’il avait commandé. Parce que lui, il commandait tout, c’est pour ça qu’il avait pleins de trucs de ouf. Mais il écoutait après, c’était pas son délire spécialement, il faisait croire qu’il kiffait pour te les vendre.

SPARROW – Rhyme impotence

Jr Ewing : Ça, c’est un pote à moi avec qui j’avais fait Chronowax… ah non, celui-là c’est Armen ! Le Sparrow, c’est Armen. Je croyais que c’était Le Renard, mais non Le Renard, il avait pas ramené ça. C’est mon pote Armen, on avait senti le truc venir parce qu’il l’avait ramené justement. Une partie des disques dont je te parle c’est Ticaret, et l’autre partie c’est Armen, tu es obligé de mélanger. Parce qu’en fait, il est revenu fin août de New York au petit matin chez moi et il avait un sac rempli de bombes qu’il avait ramenées des boutiques de New York. Comme par hasard derrière, tu as tous les indés qui sont arrivés à Ticaret, à Sound Records … Et Sparrow après c’est particulier, c’est les vinyls que les gens mettaient des années et des années à trouver. Moi j’en avais deux, et pendant des années des gars ont essayé de me travailler le deuxième. De temps en temps, j’avais comme ça des disques qu’il me manquait, que tu pouvais récupérer avec des grosses pièces comme ça. Ça, c’est pour finir ta Quinte Flush un Sparrow, tu vois ! Et après derrière, au travers de Myspace ils m’ont contacté, et j’étais leurs gars. Ils disaient que grâce à moi, ils avaient vendu des galettes à 500$ au Japon, des trucs où ils s’étaient gavés de thunes, ils m’envoyaient des morceaux inédits de dingue. C’est les premiers avec One Deep, où j’ai eu un rapport direct de l’impact que j’avais provoqué. One Deep, ça avait été pareil. Sparrow m’avait fait comprendre qu’ils avaient acheté quasiment un pav’ avec leur stock de vinyls qu’ils avaient derrière. Parce que des fois les gars ils mettaient un an ou deux avant de percuter que le buzz était en train de se répandre mondialement. Eux, ils étaient dans leur truc, ils s’en rendaient pas compte tu vois.

Tieum : Ils étaient de Baltimore en plus. Maintenant ça parle plus, mais à l’époque en dehors de New York…

Jr Ewing : Avant … The Wire, ça n’existait pas (rires) !

5 ONE 6 – Rap attack

Jr Ewing : Ça, c’est des trucs, c’est super précurseur. C’est sur un petit label, Ill Label, où il y avait un truc de dingue : Art of Origin. Ça, c’est les premiers indés qu’on a vu arriver, avec Bigo, avec le gars qui s’est fait buter, le label Ground Floor, qui était sur Bandoola Records, le gars qui s’est fait buter soi-disant par Chaw, les trucs produits par Lord Finesse. Le 5 one 6, ça c’est de Karamel à l’époque. C’était l’époque de ma boutique de disques, parce qu’après on allait encore à Karamel. Avant même notre boutique de disques, on allait déjà chercher nos disques à Karamel. J’en ai pas beaucoup parlé, mais en fin de compte, c’est pour ça que j’ai eu beaucoup de trucs. On allait le mardi après-midi, dans un petit salon, rue de l’échiquier. Et en fait, on allait chez le grossiste qui distribuait à toutes les boutiques. Sauf que nous, on venait chercher des petites quantités quand ça n’avait pas été commandé pour une autre boutique de disques, on nous servait un café, on avait notre casque, on écoutait tout. A l’époque, on achetait aussi de la house, c’était la grande époque de Nervous Records et Wreck en rap. Toute cette époque-là c’était dingue, j’en avais pas parlé, mais Karamel ça a été une grosse grosse époque. Celui-là, ça doit être Karamel. Un petit disque qui arrive comme ça de nulle part. Nous, on avait repéré le Art of Origin qui était dessus, avec un sample de ouf. Et ça, par hasard, tu en trouvais un aux puces de Clignancourt, tu sais pas comment il était arrivé là… Mais ça c’est vraiment les premiers petits indépendants, avec la pochette kraft je m’en rappelle, il avait une bonne gueule. Trois morceaux, que des bombes!

MR D ORIGINAL – Now u da man

Jr Ewing : Ça, c’est pareil … c’est les retours de New York, les fameux sacs d’Armen avec les Sparrow, Mr D Original, Labtekwon … genre le gros sac ! Entre Beat Streets, Fat Beats, surtout du Beat Streets. Un gros sac comme ça qu’on t’amène et on te dit « tiens, cadeau! ». Les sacs qui font plaisir ! Mr D Original c’est pareil une grosse claque, parce que vraiment c’est un morceau unique, c’est des ovnis qui arrivent. Parce que les Sparrow etc … ils sonnent indépendants, c’est des chefs d’œuvre et tout, mais il y a une touche indépendante. Le Mr D Original c’est un ovni, il ressemble à rien ce morceau-là. Les paroles trop hardcore!

DUTCHMIN – Get your swerve on

Jr Ewing : Toujours pareil, le même sac. Ils sont arrivés en même temps. Il faut savoir que les vinyls, ils sortaient le samedi à Beat Streets, donc le temps de les avoir, c’était le mardi soir.

Tieum : Le mardi soir? Pourtant il y a la douane.

Jr Ewing : T’inquiète, on les avait direct le mardi soir. Après, il y avait des réassorts, au bout d’un moment ça fait des flux tendus, alors on les avait direct.

Conçu pour durer : Vous l’aviez scratché pour La Cliqua.

Jr Ewing : Ouais. Entre mes plans de New York, les disques en exclu … j’ai toujours été un putain de bon digger. Je sortais des disques pour les gens. Maintenant, c’est rentré dans les mœurs, il y a tout sur Youtube, j’hallucine. Tous ces disques-là, quand on les a sortis à l’époque, les gens on les a boîtés. Donc, Gallegos, notre DJ, il avait lutté pour le trouver, et on savait qu’en prenant des petits trucs comme ça, ça serait culte pour plus tard, et nous on avait déjà les pièces pendant que tout le monde les cherchait. Donc, ça fait un petit missile sur le début du disque.

Q BALL AND CURT CAZAL – My Kinda Moves

Jr Ewing : En fait, ils avaient déjà sorti des trucs avant comme Saukrates, etc. Les premiers petits indépendants qui sont arrivés en 1994, qui se cherchaient encore un peu et qui sont arrivés avec des gros chefs d’œuvre deux ans après. Et souvent, on pense que leur deuxième maxi est le premier, et c’est souvent leur deuxième en fait. Q Ball and Curt Cazal, c’est comme Saukrates, Natural Elements… Tous ces groupes-là souvent, ils ont une quenelle qu’ils t’ont placé avant, qui était mortelle, et que très peu de monde avait calculée.

MIXED ELEMENTS feat GINA LOVE- FX

Jr Ewing : C’est les premiers disques avec les intros de ouf, des trucs qui mettent du temps à partir, des samples qui arrivent de partout, avec des scratchs derrière, avec des samples super évolutifs, des trucs dramatiques, ça pleure dans les chaumières… enfin tout ce qu’on aimait!

MICROPHONE TERRORISTS – Green paper

Jr Ewing : Ces deux-là je les ai pas mis ensemble pour rien. Ils ont rien à voir l’un avec l’autre, mais c’est les mêmes morceaux.

DREDKNOTZ – Concentration

Jr Ewing : Ça c’est un groupe avec lequel je m’étais pris une claque à l’époque. Il y avait eu un clip sur MTV, un clip mortel, bien caillera, avec des censures de partout. Et moi avant, je sais plus comment, je crois que c’est LBR qui me l’avait donné, où j’ai découvert qu’en fait j’avais touché le maxi officiel, mais il y avait un petit promo qui traînait. L’album n’étant jamais sorti, car je crois qu’il y avait encore un gars qui s’était fait buter, par contre derrière il y avait un morceau ou deux de dingue qui était sur le promo.

JR EWING – Pure premium°1 – Block classics

HI TECH – Book of life

Jr Ewing : Toujours le même sac de disques, le fameux, le big arrivage! J’avais déjà un peu suivi, car il y avait des petits trucs qui étaient passés à droite à gauche, mais il était tout le temps dans des crews. De toute façon … Hi Tech, c’est Hi Tech ; un maxi, un chef d’œuvre ! Enfin, 3 bombes par maxi !

THE ALAMO – Never Judge a book

Jr Ewing : Il y en a eu deux sur Smack Entertainment. Tu avais beaucoup de petits EP comme ça, les SUNZ OF BLUNT, etc… Après, il faut pas oublier qu’il y a eu toute l’époque des bootlegs aussi, où on trouvait que des trucs en bootleg anglais, des trucs chelou qu’on ne trouvait qu’à Londres, plein de trucs comme ça.

Tieum : Les New York DJ Service…

Jr Ewing : Voilà, les promos DJ. Après tu as aussi eu une vague de petits groupes chelous ou d’un quartier, ou d’un pseudo label. Tu regardes tous les trucs de Peanut Butter Wolf au début, tu avais des trucs comme ça.

TOMORROWZ WEAPONS – Molested Dovez

Jr Ewing : Celui-là, il a une pochette plastique donc c’est les trucs qui tapent un peu plus dans l’œil. Je sais plus comment je l’ai touché, mais bon. Notre came, des bon gars, derrière ils m’ont donné un morceau exclusif pour la mixtape « Sonz of a gun », quand Armen les a rencontrés à New York. Ça a permis de récupérer un morceau exclusif que pour ma gueule, qui n’est jamais sorti, donc voilà, cool.

CONCRETE MOB – Boiling point

Jr Ewing : Celui-là très dur, avec le morceau « Casino ». Celui-là je crois que je l’ai eu la même semaine que le BBO ENTERPRISE. BBO ENTREPRISE par contre celui-là, je l’avais entendu à une radio avant. Mais c’est pareil, pour moi ces disques vont tous ensemble. CONCRETE MOB … sur-grosse claque !!! Que te dire de plus (rires) ?

POP DA BROWN HORNET – Black on black crime

Jr Ewing : J’étais à New York, je l’ai entendu sur un show de Stretch Armstrong et je suis devenu dingue. Et t’as vu, ils disent pas bien les noms, etc… Et souvent, c’est ce que je faisais en général, je m’arrangeais pour partir… Tu vois, j’allais pas partir le vendredi alors que je savais qu’il y avait les news qui arrivaient le samedi. Et je me suis pointé à Beat Street le samedi, deux heures avant mon avion, il était arrivé dans les bacs avec d’autres trucs que j’avais écouté. Mais gros gros kiff du coup, parce que le truc, je l’avais dans la tête, je l’écoutais tout le temps, et je me disais « je repars sans ». Et le nombre de trucs sans lesquels je suis reparti … que j’ai jamais retrouvés! Souvent parce qu’ils existaient pas, parce que sinon tu retrouves …

Tieum : C’est le problème effectivement de Bobbito et Stretch, parce qu’ils passaient les cassettes qu’on leur envoyait.

Jr Ewing : Voilà! Donc toi, tu savais pas si c’était un DAT, un vinyl… et toi après, tu te retrouves à perdre du temps à chercher un truc qui existait pas. Moi, il y en a deux comme ça que j’ai mis un temps fou à récupérer, c’est le CREAM TEAM (Posey Entertainment), le premier truc produit par JMJ Records, juste avant que Jam Master Jay se fasse buter. Et le sample des Feux de l’amour, celui-là j’ai dû mettre dix ans à le récupérer, c’est un des seuls où j’ai lutté ! Donc celui-là, le POP DA BROWN HORNET, je me le suis ramené de New York, et du coup je me suis fait plaisir. Je me rappelle que j’avais ramené une bonne pile.

ONE DEEP – Crime stories

Jr Ewing : Avec qui on a déjà été en contact, mais après … A la base, c’est pareil … Armen et son sac magique qui est tombé dessus. Il en restait deux ou trois qui traînaient dans le fin fond d’un bac, le disque … il ressemble à rien … Mais après c’est toujours pareil c’est quand tu diggues, en fin de compte tu te dis ça ressemble à rien, mais c’est une évidence que c’est une bombe. Tu le vois, tu te dis « Ah là là, celui-là je le sens bien ! ». Tu vois le macaron, les noms, les trucs … Tu vois, c’est comme quand j’ai vu RODIN THE THINKER, je vois Rodin le penseur, je vois ça dans le fond d’un bac à New York, je sens que ça être de la bombe. RODIN, le titre des morceaux, le macaron … quand tu sais, tu sais quoi !

ACD – In the city

Jr Ewing : Nous, on connaissait parce que c’était un gars du Queens, donc on savait qui c’était. C’est des gars du Queens, des gars qui sont avec MOBB DEEP, mais en même temps qui trouvent leurs solutions, qui sortent en indés alors qu’ils auraient pu sortir des trucs dans d’autres délires. Il a fait que des bons maxis lui derrière. Et le premier, il est dur.

CANDY STORE – Local scarface

Jr Ewing : Il faut voir qu’à l’époque les gars c’est pas seulement des indépendants. Candy store tu vois les paroles, tu sens le ton des gars, c’est super racaille. C’est du rap qui se faisait pas trop. Il y avait des trucs un peu gangster, mais là c’est vraiment les sales racailles, des sales fonds de Brooklyn. En plus d’être indés, les scarfaces locaux, avec des samples de dingues comme on aime, avec que des voix de Gremlins (rires) !!!

COMPANY FLOW – Infokill

Jr Ewing : C’est le premier celui-là, le disque est transparent, ça fait bizarre aussi. Parce que là tu te prends un nouveau groupe dans la gueule, mais sur un double album transparent. Tu sais d’habitude, tu te prends trois tracks. Là, les gars ils arrivent avec un nouveau concept, des nouveaux sons de dingues, moitié blanc moitié truc, dans le graffiti, les gars ils te parlent, tu vois ce que je veux dire.

Tieum : Tu as trouvé un frère!

Jr Ewing : Ouais. Tu vois parce qu’au début, tu prends juste le truc dans la gueule, tu sais pas trop. Mais les sons sont tellement spatiaux, les intros… c’est beaucoup de morceaux d’un coup. Et après, à savoir que direct c’est le remix de Infokill, avec le sample de Flash Gordon, qu’ils te sortent juste derrière dans la foulée, ah ouais, dur!

EAST FLATBUSH PROJECT – Tried by 12

Jr Ewing : Je me suis moins pris une claque que les autres parce que je connaissais le premier. A savoir que le premier, deux ans auparavant, personne ne l’avait pas calculé, il l’ont tous découvert avec le Des. Après je me rappellerai toujours, c’était avec Medhi des IZB, quand on commençait à être sur les indépendants, ça c’était les galettes…

Tieum : Madman’s Dream ?

Jr Ewing : Ouais. C’est deux ans avant la vague tu vois, donc à cette époque-là, il y en a très peu des galettes comme ça. Tu en as une dizaine en gros dans l’année, voire une quinzaine ou une vingtaine sur cette année-là. C’est ce qu’il y a par semaine en 96.

Tieum : Mais c’était pas le truc du moment, à ce moment-là.

Jr Ewing : Voilà! Et donc, en fin de compte le truc je l’avais repéré. Et EAST FLATBLUSH PROJECT, j’aimais bien le nom, les deux faces étaient dingues, mais bon quand l’autre, il arrive avec le Des, ça devient des hymnes, dans le top 10 des indépendants pour les gens. Par la suite il a été relayé par pleins de DJ classiques, ensuite on a découvert qu’il y avait un clip, ça s’est mis à tourner. Mais au début quand c’est arrivé, je peux te dire les premières fois que je le mettais en soirée, c’était un extraterrestre. A l’époque je mixais beaucoup en soirée en plus, la première semaine où tu l’as dans les mains et où tu le balances… en plus ça se mixe pas ! En général tu fais un gros start/stop (il chantonne l’intro du disque) : les gens sont égarés !

BBO – Pose a threat

Jr Ewing : Beh ouais, sur-chef d’oeuvre! Je l’avais entendu à New York, mais j’avais entendu la face A qui est bien, mais bon, sans plus. En fin de compte je crois que c’est moi qui l’ai ramené de New York, j’en avais pris car c’était d’office la valeur, mais j’avais pas écouté ce qui se passait sur l’autre face en fait.

Conçu pour durer : L’autre face fait mal !

Jr Ewing : Après tu n’écoutes plus jamais la face A !

SIAH – Repetition

Jr Ewing : Ça c’est FONDLE’EM aussi ! Nous, on suivait tout ce qui se passait, que ce soit Stretch ou Bobbito, on a toujours fait gaffe à ce qu’ils faisaient, car ils ont vu le truc venir, ils étaient sur place. Stretch au début, c’était lui le spécialiste des indés. Il était sur place, il était en contact avec les groupes, donc quand on a vu que les gars rentraient dans la prod avec FONDLE’EM, on savait qu’ils allaient avoir accès aux gars qui passaient sur leur radio show, donc des bombes. FONDLE’EM, l’air de rien quand ils sont arrivés, c’est toute l’époque backpack qui a été récupérée, mais à l’époque c’était pas backpack comme c’est vu maintenant. Il y a donc ce petit label FONDLE’EM qui sort quand même, je sais plus si je l’ai mis sur cette cassette le CAGE… Non je l’ai pas mis, je pouvais pas tout mettre sur la première. Le CAGE quand il arrivait, pffff. Moi je suis un fan d’Orange Mécanique, un dingue de Beethoven, et puis l’autre il arrive pas en racontant n’importe quoi, rap de psychopathe, tout le monde avait pensé à le reprendre, mais personne l’avait repris et réussi à tourner le sample. En plus FONDLE’EM, ils ont eu d’autres trucs, alors parfois un peu trop jazzy hippie, mais bon, rien qu’avec la guerre atomique qu’ils nous avaient mis avec le CAGE, on pouvait tout leur pardonner.

Tieum : Même à l’époque c’était pas aussi sectorisé. Les mecs, ils pouvaient faire DOOM, ARSONISTS, SIAH et CAGE dans la même soirée.

Jr Ewing : Ouais !

YESHUA DA POED – The essence

Tieum : Yeshua, c’est lui qui avait fait Dead Poet Society, il avait fait toutes les voix, fait le maxi tout seul, en changeant sa voix.

Jr Ewing : Ouais, tu apprends des trucs, comme MF DOOM qui était dans KMD. C’est des trucs que tu apprends, qui te redonnent du lien, mais au début tu le sais pas. C’est les noms aussi, les noms c’est un truc de dingue, à l’époque ça aide. Si tu regardes tous les noms que tu m’as dit, YESHUA DA POED, les gars ils ont des noms tu arrives pas à les dire … MF DOOM, on est tous dingues de FATALIS, et puis tu as des gars qui arrivent, son pote MF GRIMM, trop caillera, mais en fauteuil roulant! « C’est quoi MF ? Bah Mother Fucker ! Ohhhh ! » (rires). COVER THE CHILD OF DESTRUCTION, l’enfant de la destruction … c’est du rap pour faire du cheval, des trucs de chevaliers (rires) ! Donc tu as les noms qui t’engrainent aussi. Je me rappelle au début quand je regardais le listing, et je pensais au nombre de gens qui allaient faire : connais pas, connais pas, connais pas, ah ROYAL FLUSH connais, bravo, ça va ! connais pas, connais pas … Et en plus de ça si les gars connaissent pas, mais arrivent même pas à le prononcer, avec des noms à rallonge …

Tieum : C’était que du son, il n’y avait aucune image associée avec.

Jr Ewing : En plus tu vois ! Donc CAGE, quand il arrive tu sais pas si les gars sont blancs, noirs… tu as aussi des fêlures : j’ai vu une fois SWOLLEN MEMBERS, j’ai plus jamais écouté! Ça a été épidermique. Je sais pas, je suis tombé sur le mauvais clip, au mauvais moment, j’aurais préféré qu’ils restent sans image.

DIRTY WORK feat BO BERETTA- Lower Eastsider

Jr Ewing : C’est mon pote Armen qui me l’a ramené, mais d’un autre sac, genre deux jours avant que j’enregistre. C’est pour ça que j’ai pas mis le Cage ou des trucs comme ça, il y avait que du 96… Celui-là il était tout frais, je savais que personne d’autre ne l’avait et puis ça me faisait plaisir parfois de mettre des trucs que je connaissais pas par cœur. En avoir un ou deux qui pour moi soit encore frais. Et puis ça c’est pareil, c’est des petits vinyls, je peux te dire que pour les trouver ça va pas être facile tu vois. Malgré que ce ne soit pas un des plus recherchés, parce que les gars ils sont plus sur les gros classiques, alors que pour moi, celui-là c’est un gros classique, il rentre dans le lot. Mais après c’est tout un truc, j’ai pas besoin de me la raconter là-dessus, mais tu as quand même beaucoup de gens qui ont découvert ces disques-là, et c’est ce que m’ont dit des groupes ou des gens qui me contactent par réseaux sociaux, ils ont tous découvert la claque qu’ils se sont pris, comme moi un peu avec ce gros sac, eux encore plus sur une mixtape et à des époques différentes. Donc en fin de compte, tu as des gars qui se sont mis à rechercher particulièrement les morceaux qui étaient sur mes mixtapes, parce qu’ils se sont pris une claque d’un coup, parce que tel disque va avec celui-là, tu vois. Donc pour eux, ils vont pas forcément penser au CAGE parce que je l’ai pas mis dessus, mais si je l’avais mis dessus pour eux ce serait une évidence. Mais j’ai attendu la deuxième, je pouvais pas tout mettre. Mais le BO BERRETA, tu te rends pas compte si ça les booste, mais tout le monde serait passé à côté si je l’avais pas mis dessus. J’ai vu des gens avec des SPARROW … mais celui-là, j’ai pas vu grand monde avec !

Informations complémentaires d’ARMEN sur l’interview

Pour rectifier, le FRANKENSTEIN je l’ai ramené de LONDRES. C’est Clyde qui l’avait mis sur une de ses tapes et Brian le cherchait comme un fou. Dans mes multiples voyages, je suis parti à Londres et l’ai trouvé là bas, pour te dire il n’y en avait qu’un et je l’ai donné à Brian.

Sinon OUI, il faut dire ce qui est, je partais beaucoup pour L’affiche (ndlr : magazine rap des années 90) à New York donc forcément privilégié je passais ma vie entre Rock and Soul, Beat Street, Fat Beats et autres. C’est comme ça que j’ai trouvé le ONE DEEP. Il y en avait 3 c’est pour te dire, ce jour là j’ai pris le NY CONFIDENTIAL aussi….

Et surtout le nombre d’exclus qu’on a eu par la suite sur nos mixe-tapes. Que ce soit FRANK, mais aussi CHOCLAIR, ou encore OUTSIDAZ sur le premier beat que CHAZE a produit, ALI VEGAS, TOMORROWZ WEAPONZ, les SAIGON avant tout le monde. Putain, on en a eu des exclus ! Et il faut remercier un gars qui s’appelle AMMO aussi c’est très important, car c’est lui qui assurait les contacts aux US vers la fin, quand on a eu notre radio show sur GENERATIONS, c’est lui qui nous fournissait toutes les exclus.Les tapes c’était BRIAN, LENNY BARR en ingé son et moi, mais ça reste JR EWING au centre de tout. Le show radio c’était nous 3 plus AMMO…

On avait beau être une petite équipe, il faut rendre à Cesar ce qui lui appartient : JR EWING, c’est une seule personne, en l’occurrence Brian. Et il reste le cerveau derrière tous ces projets : de la sélection au concept même de chaque tape à comme il te le disait lui même le choix des pochettes. C’est aussi ça la force de ces mix-tapes.

 

Top Jr Ewing :

MOBB DEEP « G.O.D. Pt 3 »
JAMES BROWN « Man’s World »
DAVID BOWIE « Absolute Beginners »
HI-TECH « 24/7 »
FRANCK SINATRA « Good Year »
BEETHOVEN « 9 Symphonie »
ARCTIC MONKEYS « Do I Wanna Know »
NOTORIOUS BIG « Warning »
NINA SIMONE « Feeling Good »
ROLLING STONES « Sympathie For The Devil »
GRACE JONES « Love Is A Rythm »
DAFT PUNK « Burnin »
NAS « It Was Written »

 

Interview réalisée le 23 Avril 2013 à Paris.

Remerciements : Jr Ewing, Tieum, Trinidad, Armen.

 

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Armen Photographe/Réalisateur