Conçu pour durer : Quels sont tes premiers contacts avec la culture hip hop? Quand as-tu commencé à rapper ?

Le Bavar : Le hip hop a débarqué dans nos quartiers quand j’avais environ 10 piges, d’abord par la danse. Je me souviens qu’à l’école primaire déjà, on se faisait des petites battles. Puis il y a eu des groupes comme Public Enemy, NWA, Eric B & Rakim, et là on s’est pris une tarte dans la gueule ! Pour la première fois, on voyait des négros dans leurs quartiers revendiquer cette culture avec une certaine fierté. Si cette musique a tout de suite trouvé son public dans les quartiers populaires en France, c’est parce qu’il y avait certaines similitudes au niveau des problèmes sociaux : le chômage, la drogue, l’incarcération, les rapports avec les institutions, que ce soit la police ou le système scolaire. Enfin, des personnes qui reprenaient la parole parce qu’on avait trop longtemps parlé à leur place, c’est dans cette optique que j’ai commencé à rapper. Même si au début, il n’y avait pas forcément de conscience politique en nous, cette revendication qui passait par la musique avait un côté instinctif, c’est la musique de l’urgence.

 

Conçu pour durer : Quelles ont été tes influences parmi les MC français et américains ?

Le Bavar : Pour ce qui est US, il y a les groupes que je t’ai cité et puis plein d’autres, on était boulimique de ce qui se faisait outre-atlantique, donc ils m’ont pratiquement tous influencés. Après en France, ceux de ma génération ont tous écouté NTM, Assassin, IAM, mais je crois que ceux qui m’ont le plus marqué c’est Ministère Amer, avec leur concept de la secte Abdoulaye ! C’était mon album de chevet, un rap de quartier qui faisait peur !

 

Conçu pour durer : Les premiers maxis sont sortis chez des indépendants, le 1er album sur une major, puis de retour en indépendant… Quelles sont les avantages et les limites de chacun, d’après toi ?

Le Bavar : L’expérience en major nous a permis de voir à quel point il y avait du gaspillage de fric dans la musique. Les mecs mettaient énormément d’argent pour produire un album, on a vite vu qu’ils ne savaient pas forcément bosser le rap, les maisons de disque voulaient surtout avoir la caution rap dans leur catalogue, donc il leur fallait à toutes un groupe de rap ! Ca nous a permis de voir en tout cas qu’il y avait beaucoup de postes qui ne servaient à rien et les erreurs à ne pas reproduire quand tu as un label indépendant. Bref … en montant notre label, c’était notre façon de supprimer quelques maillons de la chaîne de la fabrication du disque, et surtout une façon de garder le contrôle sur nos projets.

 

Conçu pour durer : Pourquoi n’as-tu pas sorti d’album solo ? (à part la mixtape NSEO vol°2 partagée avec Ekoué)

Le Bavar : On y réfléchit, un album solo c’est du boulot, on est 3, donc ça voudrait dire 3 albums, à sortir à intervalles pas trop rapprochées, voilà pourquoi on sort les Inédits 2. Une certaine façon d’être tous les 3 présents en même temps mais dans un univers solo.

 

Conçu pour durer : A l’écoute de quelques morceaux des Inédits vol. 2, on revient sur des instrus avec des boucles jazzy ou avec des extraits de dialogues de films, comme sur votre premier album «L’ombre sur la mesure» . D’où provient ce choix?

Le Bavar : Le côté trilogie, c’est un clin d’œil aux maxis (1er, 2e et 3e volet) qui nous ont fait connaître dans le rap. Le côté sample et boucles jazzy fait effectivement penser au 1er album mais c’est surtout parce qu’entre temps, on a exploré différents univers musicaux. On n’essaie de ne rien se refuser niveau musical, tant que ça sonne hip hop et puis chaque disque de notre catalogue correspond à une humeur.

 

 

Conçu pour durer : Pourquoi présenter le projet sous forme « d’inédits », et pas sous la forme d’un album ?

Le Bavar : Parce qu’on a sorti un album l’année dernière, album qui a très bien marché et qui s’est soldé par un Olympia à Paris. De plus, un album est beaucoup plus conceptualisé et l’artillerie en terme de promo n’est pas la même. Entre les albums, on sort donc des références comme NSEO ou les Inédits.

 

Conçu pour durer : 4 albums au compteur avec la Rumeur, 2 albums d’inédits, 3 maxis ep , 2 maxis … Quel «bilan» en tires-tu ?

Le Bavar : Je crois qu’à l’écoute de nos disques, on encore beaucoup de choses à dire ! Mais le bilan est très positif. Quand je regarde le rap français en général, il y a beaucoup de groupes qui ont commencé à la même époque et qui n’existent plus. Le 1er responsable étant Skyrock qui a voulu nous faire consommer du rap comme un disque qui sortait de la Star Academy et puis plus rien derrière. Voilà pourquoi on s’est toujours méfié des médias qui veulent garder le monopole sur cette musique. Notre position anti-Skyrock s’est avérée payante, la preuve, nous continuons à faire des disques, des tournées, maintenant des films. Un site internet (larumeurmag.com), et c’est loin d’être fini.

 

Conçu pour durer : On trouve beaucoup de morceaux instrospectifs sur le dernier album ?

Le Bavar : Si on parle de l’album « Tout Brûle Déjà », il y a quelques morceaux introspectifs oui. Pour moi, un morceau c’est aussi une sensibilité qui s’adresse à d’autres sensibilités. Nous sommes avant tout des artistes et au bout d’un moment, tu ne peux pas livrer que des morceaux froids sans âme. Ca fait aussi partie de l’écriture qu’on a choisie, par moments, ça nous fait du bien de se livrer, sans pour autant entrer dans l’intimité totale. Nos différents parcours conditionnent notre façon d’écrire et donc l’introspection est souvent plus présente dans les morceaux solo. Ca se vérifie beaucoup sur le disque « Les Inédits 2 » qui vient de sortir.

 

Conçu pour durer : Au milieu des années 1990, on voyait émerger des groupes tels que NTM, IAM, Assassin, Minister A.M.E.R, La Rumeur… avec un discour revendicatif, subversif et des prises de position… Penses-tu que c’est voué à disparaitre ?

Le Bavar : La scène rap qui a émergé à cette période était pleine d’idéaux, puis elle a fini par céder à des objectifs commerciaux et c’est malheureusement ce qui a créé leur déclin. Si on regarde aujourd’hui, quels sont les groupes qui continuent d’exister, c’est à dire sortir des disques et faire des concerts ? De tous les groupes Skyrock, il n’en reste pratiquement plus ! C’est déplorable, mais encore une fois nous avons eu raison de fustiger ce média. Après, il y a toujours un turn-over mais une carrière se construit sur du long terme. C’est aussi ce qui pourra permettre au rap d’être véritablement reconnu dans le paysage musical, quand des artistes arriveront avec 15 – 20 ans de carrière et qu’on ne les fera pas passer pour des guignols sur les plateaux télé.

 

Conçu pour durer : Quel regard portes-tu sur la nouvelle génération du rap français ?

Le Bavar : Il y a « à boire et à manger », avec le net on assiste à l’émergence de plein d’artistes rap, il y en a beaucoup et c’est bien. Les mecs ont compris qu’il fallait se prendre en main et ne pas compter sur les majors. Qualitativement, c’est autre chose, je ne me tiens pas forcément au courant de tout ce qui se fait, mais je crois qu’il y a un rap qui se radicalise et un autre qui veut suivre la tendance. Après quand tu travailles, que tu as du talent et quelque chose qui te différencie, tu finis par faire écouter ta sauce. Franchement il y a une nouvelle génération de MC qui me plait.

 

Conçu pour durer : As-tu en tête des producteurs ou des MC avec lesquels tu aimerais collaborer ?

Le Bavar : Non, je vois pas..

 

 

Conçu pour durer : Peux-tu nous en dire plus sur larumeurmag.com ? Son contenu, les fréquences de publication…

Le Bavar : Le site internet est tout nouveau, il prend ses marques et ça demande beaucoup d’investissement. Donc, pour les fréquences de publication, on va essayer de faire en sorte que ce soit le plus souvent possible bien sûr, mais je ne peux pas te dire précisément.

 

Conçu pour durer : Ce sera dans le même esprit que « La rumeur mag » ?

Le Bavar : Oui c’est à peut près ça, c’est aussi une volonté de dire que si les médias ne jouent pas leur rôle, soyons notre propre média ! Le contenu, c’est beaucoup de vidéos, on veut un contenu qui soit funky, pas un truc chiant où tu dois te niquer les yeux sur l’écran à lire des pavés. Et pour le coup, on n’est pas peu fier du résultat, il y tellement de possibilités d’exploiter ce site et de livrer du contenu attractif.

 

Conçu pour durer : Peux-tu nous donner ton top 10 maxis ? Top 10 albums ?

Le Bavar : Franchement j’écoute plus trop de maxis et en album ça peut être à peu près ça :

NAS – Illmatic
NOTORIOUS BIG – Ready to die
MOBB DEEP – Hell on earth
NWA – Straight outta Campton
SNOOP – Doggystyle
CAPONE N NOREAGA – The war report
WIZ KHALIFA – Cabin fever (mixtape)
KENDRICK LAMAR – Good kid- M.A.A.D city
LIL BIBBY – Free crack (mixtape)
ASAP ROCKY – Long live Asap

 

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